Dans l’alimentaire, les partenariats signés récemment entre retailers Français et Chinois ressemblent davantage à des opérations de sauvetage qu’à des alliances stratégiques à long terme.
Alors que les ventes de Carrefour-Chine ont baissé à nouveau de 10 % au 4e trimestre 2018, le géant français serait sur le point de vendre ses quelques 200 magasins chinois à ses partenaires locaux : Tencent (l’actionnaire de référence de JD.com, WeChat et WeChatPay) et l’enseigne de supermarchés Yonghui. « Carrefour va s’arrêter en Chine, ce n’est pas encore officiel mais ils vont fermer. Beaucoup de signes montrent que c’est fait. Ils sont arrivés à un accord et a priori c’est bon, cela va être annoncé prochainement », ont révélé à Global Retail News trois sources proches du dossier. Selon le scénario évoqué, les deux partenaires Tencent et Yonghui rachèteraient la participation de Carrefour et Yonghui reprendrait l’exploitation des 200 magasins Carrefour. Le déplacement d’Alexandre Bompard en Chine prévu la semaine du 4 mars 2019 pour planifier ce passage de relais, a bien eu lieu. « La montée au capital de nos partenaires Tencent et Yonghui est toujours d’actualité et la discussion est toujours en cours, mais elle prend plus de temps que prévu, a déclaré un porte-parole de Carrefour interrogé par la rédaction de Global Retail News. A ce jour, nous continuons notre activité en Chine avec une réduction des coûts et la fermeture des magasins déficitaires ».
Carrefour, qui comptait 259 magasins en Chine à la fin 2017 (dont 220 hypermarchés et 39 magasins de proximité) a signé il y a plus d’un an un accord ayant fait entrer à son capital Tencent et Yonghui. Signé en janvier 2018, celui-ci n’a pas révélé leur poids total au sein du capital. Yonghui Superstores gère 830 supermarchés dans 14 provinces chinoises et a comme actionnaire Tencent (à hauteur de 5 %). En 2017, son CA total a atteint US$ 8,79 milliards. Très avancé dans l’omnicanal grâce à des alliances audacieuses, Yonghui fait d’ores et déjà livrer ses commandes en ligne par l’intermédiaire de JD.com.
La situation n’est guère plus réjouissante du côté d’Auchan Retail, présent en Chine via sa filiale Sun Art (qu’il contrôle à 36,8 %, Alibaba à 36,16 %, Ruentex à 4,96 % le reste étant du flottant à la Bourse de Hong Kong). En 2018, le CA de Sun Art a baissé de 1 % à € 13,4 milliards via ses 480 magasins (dont 80 sous l’enseigne Auchan et 400 sous l’enseigne RT Mart). Le résultat net a chuté de 6,7 %. Alors que le Groupe nordiste s’apprête à publier environ € 1 milliard de pertes lors de son atterrissage financier de 2018 (publication prévue le vendredi 8 mars 2019), l’avenir de la Chine semble également scellé. « L’activité d’Auchan en Chine est en train d’être absorbée par ses partenaires chinois, ajoute une de nos sources. Je pense qu’Auchan a cédé une partie de ses actifs chinois pour récupérer du « cash », ce qui est une façon de renflouer la maison-mère. RT Mart va piloter le business opérationnel des magasins et Alibaba poussera tous les projets « tech » et digitaux. Tous les cadres français d’Auchan repartent, hormis Vincent Mignot et Ludovic Holinier ». « Un bon nombre de cadres sont déjà rentrés en France, confirme un autre expert proche du dossier. Ceux qui étaient embauchés avec des contrats locaux ne sont pas rapatriés, ce qui pose problème pour le moment. Le Groupe a dit que tout serait réglé avant l’été ».
Lors de l’Assemblée Générale de mai 2019, Ludovic Holinier, actuel Directeur Général aux manettes de Sun Art, devrait être remplacé par Huang Ming-tuan, Fondateur de RT-Mart Chine issu de l’actionnaire taïwanais Ruentex. « Oui un certain nombre d’expatriés sont rentrés, nos équipes chinoises étant de très bon niveau, c’est la vie des entreprises, a dit un porte-parole d’Auchan Retail. Mais Auchan Retail n’a aucunement l’intention de vendre sa participation dans Sun Art Retail. Nous sommes le 1er actionnaire de Sun Art, c’est une filiale dont nous avons le contrôle plein et entier et dont nous conservons la majorité décisionnelle au sein du conseil d’administration ». L’enseigne devrait néanmoins disparaître prochainement au profit de RT Mart. « Pour le moment, les deux enseignes Auchan et RT Mart adoptent l’écosystème d’Alibaba piloté par les « data » (connaissance clients, zone de chalandise, ciblage, etc.), poursuit le porte-parole. 600 millions de Chinois vivent dans un rayon de 3 km autour de nos 484 magasins, dont 500 millions sont dans les bases d’Alibaba. La convergence opérationnelle de RT Mart et d’Auchan est également en cours (création d’une centrale d’achats commune, convergence des systèmes d’informations, fusion des 2 sièges en un seul, etc. Mais cela ne change rien à notre stratégie chinoise, rien ne pouvant se faire sans notre accord au sein du conseil d’administration ». L’heure où la Chine était une terre de conquête pour des retailers occidentaux venus y planter leurs drapeaux est bel et bien révolue. Aujourd’hui, de nombreux acteurs proposent aux patrons du retail des « learning expéditions » pour visiter la Chine et ses magasins à la pointe de l’innovation mondiale. Pour apprendre et se former.