Food & omnicanal. Quand l’exemple vient de Thaïlande
En Thaïlande, le n°1 du « retail » Central Group a confié les rênes de sa filiale alimentaire (€ 1,8 milliard de CA en 2018) au Français Stéphane Coum, ex-Carrefour Italie. Il explique à Régine Eveno sa stratégie pour mieux exploiter les données clients, développer l’innovation digitale et la livraison à domicile grâce aux partenariats avec JD.com et Grab, le Uber thaïlandais.
Régine Eveno : En Asie, le « retail » se caractérise par des groupes très diversifiés. Pouvez-vous nous présenter Central Group, présent en Thaïlande, Vietnam et Italie ?
Stéphane Coum : Central Group est un conglomérat familial immense et très diversifié dirigé par Tos Chirathivat, petit-fils du fondateur. Avec 70.000 salariés et un CA de US$ 13 milliards en 2018, c’est à la fois le 1er développeur de « malls » de Thaïlande et aussi un acteur majeur des grands magasins (Central et Robinsons*), des supermarchés, de la distribution spécialisée (bricolage, sport, mode, électroménager…), des hôtels (Centara) et des restaurants. Sa présence sur des segments premium (comme les supermarchés premium Central Food Hall) s’explique par l’une des caractéristiques de ce pays : la Thaïlande attire 40 millions de touristes par an, en plus de ses 69 millions d’habitants. Central Group a aussi un pied en Europe par le biais de trois acteurs historiques des grands magasins : La Rinascente en Italie, KaDeWe à Berlin et Illum à Copenhague. C’est donc tout un écosystème, mais très cohérent. Cette diversité permet d’exploiter les données clients d’environ 30 enseignes pour renforcer l’engagement client via des offres croisées. Le gisement de « datas » pour fidéliser nos clients multi-enseignes est fabuleux !
R.E. : Qu’est-ce qui, selon-vous, vous prédestinait à prendre, à 48 ans, la direction du 1er « retailer » alimentaire de Thaïlande ?
S.C. : Depuis la fin 2018, le Groupe cherchait un successeur à Pascal Billaud à la tête de Central Food Retail Group, ce dernier ayant été nommé Directeur des Ressources Humaines de Central Group. De mon côté, j’ai travaillé 24 ans au sein du Groupe Carrefour, dont 20 ans à l’étranger, en Turquie, en Italie mais également en Chine, en Malaisie et à Singapour, et je souhaitais renouer avec l’Asie. De par mon parcours, j’ai une acquis une réelle vision multi-format. Après avoir commencé dans les supermarchés en 1996 (enseigne Stoc), j’ai pris la direction de l’hypermarché d’Ankara en Turquie de 2003 à 2005, avant d’être nommé Directeur Régional des Hypermarchés en Chine, en Malaisie et à Singapour. De 2013 à 2017, j’ai mené à bien le redressement des supermarchés Carrefour Italie (soit 500 supers dont 250 intégrés, pour un CA annuel de € 2 milliards) en développant une approche par « cluster » (magasins premiums, magasins urbains…) et en mettant en œuvre l’ouverture 24h/24. Puis j’ai assuré la direction du pays pendant un an. C’est début 2019 que j’ai été contacté par le groupe thaïlandais.
R.E. : Que représente l’activité alimentaire au sein du conglomérat Central Group ?
S.C. : En 2018, les ventes de Central Food Retail ont atteint € 1,8 milliard de CA via un large panel d’enseignes. La principale est l’enseigne « Tops », qui se décline sous trois formats : 12 hypermarchés de 3.500 à 4.000 m2 GLA (Tops Superstores), 115 supers (enseigne Tops) en partie rachetés à Ahold en 2004 et 80 supérettes d’environ 230 m2 GLA (Tops Daily). Nous avons aussi 11 épiceries très haut de gamme nommées « Central Food Hall » installées dans nos « malls » intégrés. Nous avons 51 % d’un joint-venture avec le Japonais Family Mart, qui gère 1.008 supérettes de proximité (enseigne Family Mart). Enfin, je pilote les cafés Segafredo et l’enseigne de beauté Matsumoto Kiyoshi (en joint-venture avec le n°1 des drugstores au Japon).