Le futur du « retail » par Jerry storch
Notre Journaliste Marie Driscoll, basée à New-York, a rencontré Jerry Storch, fondateur de Storch Advisors. Après 30 ans de carrière incluant des rôles majeurs dans le « retail » (Vice-Président des hypermarchés Target, P.D.G de Toys'R'Us puis des grands magasins Hudson Bay), il partage sa vision pour l’avenir du secteur.
Marie Driscoll : Nous avons traversé des périodes houleuses – fermeture et faillites de magasins, naissance d’enseignes nativement numérique. Où va-t-on ?
Jerry Storch : Avec l’amélioration du 4e trimestre 2017, beaucoup de spécialistes concluent que tout va bien. Pour moi, c’est faux. Certes, le sujet de la « mort du retail » a été exagéré, mais tout a changé de façon irrévocable. L’avenir ne ressemblera pas au passé. Malgré ce meilleur « Q4 », nous ne sommes pas revenus au bon vieux « retail à la papa ». Un changement radical a eu lieu et nous n’en sommes qu’à la préface du livre, pas au dernier chapitre ! Internet, la plus grande force perturbatrice du « retail » actuel, va accélérer les changements. Certains acteurs bien établis sauront tirer leur épingle du jeu – via leur modèle omnicanal et leurs produits répondant aux besoins des clients. Mais ceux embourbés dans le passé, avec une gamme indifférenciée, disparaîtront peu à peu. Il y a deux éléments clés pour réussir demain : une offre différenciée et une organisation plus verticale.
Marie Driscoll : Quels « retailers » sont les plus vulnérables ?
Jerry Storch : Ce sont les enseignes aux produits indifférenciés. Les supers et hypers, qui dominent le « retail » depuis des décennies, ont ce problème. Inexorablement, leurs marges baissent en raison de la transparence des prix en ligne et de l’e-commerce, plus onéreux que la gestion d’un magasin (les coûts logistiques et de livraison faisant baisser la marge opérationnelle). Les « retailers » alimentaires qui survivront sont ceux ayant un modèle d’exploitation à bas coût (Note : Costco, Action, Aldi…). Mais la plupart d’entre eux n’ont pas de modèle « low cost » et verront leurs marges se tarir de plus en plus. A l’inverse, les enseignes de produits différenciés ou offrant une distribution limitée (gammes exclusives, marques propres, etc.) voient croître leur marge. N’oublions pas qu’un « retailer » est d’abord un marchand : il doit créer et offrir quelque chose d’unique, qu’on ne trouve pas ailleurs. Avec Internet, c’est plus compliqué qu’avant.
Marie Driscoll : Qu’en est-il des services ?
Jerry Storch : Beaucoup de « retailers » ont un levier d’action sous-exploité actuellement : leurs outils de CRM et leurs superbes bases de données, qui permettent de créer plus d’intimité avec leurs clients et donc plus de valeur ajoutée face à Amazon. Mais attention, il serait naïf et dangereux de croire qu’Amazon ne travaille pas, lui aussi, dans ce sens. Quand je questionne le système de commande vocale Alexa d’Amazon, j’obtiens une