Management post-covid : Mobiliser les équipes autour de l’expérience client
Pendant la pandémie, les équipes magasins ont dû gérer l’imprévu : les stocks, les conditions sanitaires, les consommateurs. Lors du retour à la normale, il est impératif pour les enseignes de les aider à enrichir l’expérience client. Il s’agit de favoriser la relance de la fréquentation mais aussi à plus long terme d’adopter un management « consumer centric ».
Avec la réouverture des magasins, comment les enseignes peuvent-telles aider leurs équipes à devenir « customer-centric » plutôt que « product-centric », comme le suggère Thomas Husson, VP principal analyste de Forrester en citant Marc Cuban, Directeur expérience client et marketing de Volkswagen. « Pour devenir customer-centric au lieu de product-centric, il faut placer les collaborateurs au premier rang. Pour obtenir une bonne qualité de service, il faut que les employés eux-mêmes vivent au quotidien l’expérience de la marque ».
Dans l’immédiat, les caissières, les préparateurs de commandes, les directeurs de magasins, les responsables de sites ecommerce, dont le rôle social a été reconnu pendant la crise, ont surtout besoin d’être récompensés et rassurés. Dans les plans de restructurations rendus inéluctables par plusieurs mois de fermeture, les enseignes cherchent du reste à préserver leur force de vente en magasin. C’est le cas de Burberry, la marque qui a construit sa renommée à partir de l’immanquable trench. L’entreprise (CA € 3,02 milliards, 465 magasins en mars 2020) a annoncé une réorganisation qui touche 5 % de ses effectifs mondiaux (500 postes sur 10.000). Mais selon Julie Brown, Directrice Financière, « les réductions d’effectifs ne toucheront pas les équipes magasins ni la production ».
Sur le plus long terme, les enseignes ont besoin d’adapter non seulement leur structure mais aussi leurs méthodes de gestion, de formation, de recrutement à la nouvelle donne post-covid, qui fait la part belle aux nouvelles technologies pour gagner en productivité et en flexibilité. En pleine crise, grâce à la mobilisation de leurs équipes, les retailers ont pris conscience que de nouvelles solutions, mixtes et flexibles, pouvaient améliorer la prise en charge du client. C’est ainsi que l’enseigne britannique Dixons Carphone (CA € 11,3 milliards sur exercice 2019/2020 clos le 2 mai, 950 magasins dans 9 pays) a mis en place ShopLive, un service d’assistance en ligne par video chat qui répond aujourd’hui à 20.000 appels de consommateurs au Royaume-Uni. Crée avec seulement 30 personnes présentes en magasin, ShopLive compte depuis cet été 280 salariés.
Selon Alex Baldock, C.E.O. de Dixons Carphone, ce type de service à la fois off et on line va devenir la « nouvelle norme », dans une catégorie, celle des produits électriques où 20 % des clients passent uniquement par le web. « Nous obtenons à la fois un meilleur taux conversion et des dépenses per capita plus élevées », explique-t-il. Cet exemple « montre que nous pouvons déployer nos actifs différemment en les plaçant au service de l’ensemble de l’entreprise et non plus par canaux distincts ».
Leader de l’électronique sur le marché britannique, Dixons Carphone va également réorganiser ses forces de vente, selon un nouveau schéma, décentralisé. « Nous voulons donner plus de pouvoir de décision à nos managers en magasin, aplatir la hiérarchie et permettre à nos clients de faire facilement leurs achats chez nous, selon leur préférence. Les magasins pourront ainsi concentrer leurs efforts sur la délivrance d’une expérience client homogène et sur un excellent niveau de service sur tous nos canaux que ce soit en ligne ou en magasin », explique Marc Allsop, Directeur des opérations. Deux nouvelles fonctions sont créées : celle de directeur de l’expérience client et celle de directeur de l’excellence opérationnelle aux côtés du directeur magasin.
Même obsession de l’excellence opérationnelle chez le groupe allemand Ceconomy. La maison-mère de MediaMarktSaturn, leader européen de l’électronique et des services annexes, actionnaire à hauteur de 24 % de Fnac Darty, a choisi également redéfinir le management de ses magasins (1.000 en Europe) placé sous l’autorité d’un directeur de l’expérience client.
« Nous allons davantage investir dans la formation continue avec un nouveau programme «Passion4Customer» qui porte sur les compétences en matière de conseil et de service en magasin» a indiqué Ferran Reverter, P.D.G. de MediaMarktSaturn le 13 août. L’enseigne fournira à ses salariés une application, donnant des indications sur la disponibilité des produits et les prix des concurrents, ainsi que des coupons et des informations vidéo sur les produits.
« Cette mutation vers l’omnicanalité ne pourra pas se faire sans donner aux équipes terrain une vision globale de l’expérience client on et off-line », prévient pour sa part Franck Pasquet, Directeur Associé d’Arrowman Executive Search. Chef de rayons, responsable d’entrepôt ou du e-commerce, tous les managers en front office devront disposer d’outils adaptés, à l’image de l’application Toucan Toco (€ 8 millions de CA, 80 salariés), suggère ce dernier. Cet outil de « data story telling » permet aux managers métiers d’avoir un accès simple à des datas nombreuses et complexes.
Pour les accompagner dans la conduite du changement, les retailers peuvent en effet s’appuyer sur les solutions déployées par des start-ups. « Nous sommes une vieille industrie avec des schémas d’organisation classique, » constate Dominique Schelcher, P.D.G. de Système U, quatrième enseigne française alimentaire (CA € 26,17 milliards en 2019, 1.600 magasins). Le fait d’être confrontés à des start-ups nous fait du bien. On se rend compte qu’on peut travailler d’une autre façon, en adoptant une autre vision ».
Une meilleure vision des exigences du terrain, une approche plus naturellement omnicanale, des outils de gestion en temps réels : les start-ups. offrent un appui aux DRH dans cette période charnière. « Les nouvelles technologies bouleversent les métiers et les temps de travail dans le retail (self-scanning, picking en magasin, etc), estime Geoffroy d’Argenlieu, créateur en 2011 de TimeSkipper (15 salariés), qui optimise au quotidien le temps de travail en points de vente. Mais il ne faut pas oublier qu’elles ont aussi un rôle positif. Elles allègent certaines tâches (par exemple avec la géolocalisation des articles par les clients eux-mêmes), permettent de mieux répartir la charge de travail, d’absorber des flux d’activités de plus en plus variables comme l’a montré la pandémie. Or ces gains de temps peuvent être réinvestis ailleurs ».