Tendances paiement dans le retail physique
Depuis deux ans, les retailers ont démontré leur agilité pour répondre aux nouvelles habitudes de consommation générées par le Covid. Ils ont su, entre autres, absorber l’explosion de l’e-commerce et mobiliser leurs équipes pour proposer des solutions plus rapides, à distance ou sans contact (click and collect, paiement sans contact), qui simplifient les parcours d’achat et favorisent la conversion, en ligne comme en magasin. Face à eux, les consommateurs se sont aussi familiarisés avec de nouveaux usages de paiement (paiement différé ou BNPL, QR codes…) et veulent désormais profiter des avantages du digital en magasin. A quels nouveaux enjeux sont confrontés les retailers en 2022, alors que l’économie reste sous pression ? Jean-Michel Chanavas, directeur général de Mercatel*, passe en revue les tendances 2022.
1) Devenu incontournable, le sans contact poursuit sa conquête
Avec le passage à un plafond de € 50 en mai 2020, le paiement sans contact par carte bancaire (47 % des transactions par carte dans les magasins français en 2020, selon CB) s’est imposé en raison des risques sanitaires. « On ne reviendra pas en arrière », souligne Jean-Michel Chanavas, directeur général de Mercatel. Ce phénomène présente un avantage certain pour les enseignes. Il facilite la tâche du client et génère plus de chiffre d’affaires. En revanche, l’augmentation du volume global des paiements par carte pèse sur leurs coûts via l’augmentation des frais de commission bancaires.
Convertis au NFC (Near Field Contact) et aux QR Codes, les Français qui n’utilisent que marginalement le sans contact sur mobile (Paylib, Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay) pourraient pourtant désormais franchir le pas plus facilement, estime Jean-Michel Chanavas. Car payer en présentant son smartphone permet de s’affranchir du plafond des € 50. Selon Kantar, 38 % des Français déclaraient avoir utilisé un paiement mobile en avril 2021. Et Google Pay, Apple Pay et Paylib ont consolidé leur notoriété.
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2) En magasin, la course au paiement en temps réel s’accélère
Si le self-scanning a fait son apparition en France dès 1997 (source LSA), le Covid a donné une impulsion supplémentaire à ce mode de paiement, qui limite les contacts humains. En développant le « self-check out » ainsi que l’encaissement sur le point de vente grâce à des tablettes et des TPE (Terminaux de point de vente) mobiles utilisés par les vendeurs, la fameuse ligne de caisse s’estompe, devenant de moins en moins visible. C’est une des tendances fortes de ce début 2022. Des enseignes comme Auchan (à Croix) ou Carrefour (à Paris) se convertissent à leur tour aux magasins automatisés sur le modèle d’Amazon qui a popularisé dès 2016 sa technologie du « Just Walk out ». En Europe, le premier Amazon Go sans caisse a ouvert en mars 2021 à Londres. Dans son prototype Carrefour Flash 10/10, ouvert en novembre 2021 à Paris, le groupe trace une voie similaire sur une surface de 55 m2 truffée de 60 caméras et 2.000 capteurs rendant possible la « computer vision ». Résultat : « Les clients entrent et sortent librement, sans portique, sans télécharger d’application ni s’enregistrer au préalable. Ils réalisent leurs courses sans surprise : le montant du ticket est connu en temps réel », explique Nicolas Safis, directeur innovation de Carrefour. Après avoir fait ses achats, il suffit de 10 secondes pour valider le montant sur des tablettes Samsung avant de quitter le magasin. La Fintech de Carrefour, Market Pay, a participé à l’élaboration de ce nouveau mode de paiement.
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3) Virement instantané : la nouvelle voie
Depuis 2017, le virement instantané ou « instant payment » est déjà disponible au sein de l’espace européen SEPA (Union Européenne plus l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse). Contrairement aux virements classiques qui peuvent prendre plusieurs jours, le transfert de fonds est quasi-instantané et accessible 24h/24, 7j/7. Pour des enseignes soucieuses de simplifier le parcours client et de sécuriser les transactions, la solution semble séduire. « En 10 secondes, le virement est sur nos comptes en toute sécurité et l’opération est confirmée », souligne Sabine Maingot, responsable métier, caisse et administratif de Brico Depot. L’enseigne de bricolage (123 magasins) a lancé ce service en 2021, en plus du Scan and Go, déployé avec Lyf (voir ci-dessous). Précision : Pour les montants élevés – achat d’un véhicule d’occasion par exemple – la banque facture cette prestation.
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4) « Scan and Go » : constituer son panier et payer via son mobile
« Aujourd’hui, l’obsession des enseignes est de gommer les irritants en magasin : après l’attente en caisse, vient au deuxième rang la multiplicité des cartes à présenter aux hôtesses de caisse (carte de paiement, fidélité, coupons de réduction). Chez Lyf, notre vocation est précisément de proposer des alternatives au passage en caisse grâce au paiement mobile », souligne Frédéric Leclef, directeur général délégué de l’entreprise créée en 2017.
Soutenue par des banques (Crédit Mutuel Alliance Fédérale, BNP Paribas, etc.), des enseignes (Auchan, Groupe Casino, Total, etc) et des partenaires financiers, Lyf revendique 2,3 millions de particuliers utilisateurs, dont 400.000 chaque mois (données mai 21). Son application Lyf Pay, qui permet la prise en compte en un seul geste du paiement mobile, de la carte de fidélité, des promos et de la dématérialisation du ticket de CB, est utilisée notamment par Carrefour, Auchan, Géant, Casino, Franprix et Monoprix. Sa solution de “Scan & Go” est disponible depuis octobre chez Brico Dépôt, une première dans le bricolage. Concrètement, comment les clients de Brico Dépôt peuvent-ils faire leur course ? Une fois téléchargée l’application Lyf Pay, ils passent dans les rayons, scannent les articles et constituent leur panier. A la fin du parcours, ils peuvent soit payer immédiatement sur mobile depuis “Scan & Go”, ce qui prend en compte automatiquement leur carte de fidélité et génère la réception d’une facture sur leur e-mail, soit actionner le passage en caisse physique (“Scan & Pay”). « Notre solution a d’abord été déployée dans les magasins alimentaires. On observe sur le marché que les points de vente les plus performants peuvent réaliser jusqu’à 10% de leur vente en “Scan & Go”, mais ces performances sont très variables d’un magasin à l’autre », souligne Frédéric Leclef.
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5) Du simple encaissement à la fidélisation et l’abonnement : L’ère du tout en un
Pour les magasins, la question du paiement ne s’arrête plus à l’encaissement. D’une part, parce que la tendance est à l’agrégation de nouveaux services autour de la fonction paiement (dématérialisation du ticket de caisse, gestion des points de fidélité, cash back, etc.). C’est la carte que jouent les acteurs se positionnant comme de véritables interfaces clients, à l’image des Super Apps (Klarna, Lydia, WeChat, Alipay, etc.). D’autre part, parce que les retailers eux-mêmes développent de nouvelles pistes comme l’abonnement, qui implique la mémorisation des échéances et du moyen de paiement. Le meilleur exemple est « Decathlon Location » qui couvre 3 univers : le vélo et l’enfant, le fitness et la mobilité douce pour adulte. Lancée à Bordeaux en mai 2021, l’offre est déployée sur la France depuis octobre dernier. Un modèle de vente « vertueux », puisque circulaire.
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6) Le « green paiement » va aussi s’imposer à plus long terme
En France, la dématérialisation s’impose déjà pour les tickets de caisse, économisant ainsi papier et encre grâce à la loi AGEC. Celle-ci entrera en vigueur au 1er janvier 2023 et interdira l’impression systématique des tickets de caisse. Plusieurs enseignes (Etam, Promod, Uniqlo, Système U, Carrefour entre autres) proposent déjà à leurs clients de recevoir leur ticket par courriel. Cette problématique en faveur d’un paiement neutre en carbone, économe et solidaire devrait gagner en importance.
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7) Les enseignes investissent… tout en recherchant des économies
Signe de l’accélération des investissements dans les systèmes de paiement et les flux financiers, les retailers sont, en ce début 2022, à la recherche de nouveaux talents. « Ils recrutent et sont à la recherche de conseils pour établir une feuille de route stratégique en matière de paiement et maîtriser leurs dépenses », souligne Jean-Michel Chanavas.
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Conclusion
Pour 2022, les enjeux des responsables paiement du retail sont nombreux, et des tests et déploiements nouveaux sont attendus : paiement sans contact via le mobile, paiement autonome (via une douchette, un mobile associé à une app, voire sans aucun support), virement instantané, intégration des programmes de fidélité, RSE et dématérialisation du ticket de caisse… Pour les enseignes, ces enjeux impliquent un besoin accru de talents et de compétences, mais aussi des technologies adéquates pour piloter l’expérience paiement. Pour une lecture résolument omnicanale de leur clientèle, les retailers ont besoin d’une plateforme servicielle et modulaire de paiements, leur permettant d’obtenir une vision à 360° du client et de ses modes de paiement, et ceci à travers l’ensemble des points de contact (magasins, e-commerce, marketplace…).
*Mercatel est un « think tank » regroupant commerçants, banques et divers acteurs du paiement…