Supply-chain. Flexibilité et agilité : la nouvelle norme
Rencontre avec Sébastien Lefébure, DG Europe du Sud de Manhattan Associates, éditeur expert des logiciels de gestion d’entrepôt.
La supply-chain a été mise à rude épreuve par la crise sanitaire… Quels sont vos constats chez Manhattan Associates ?
Sébastien Lefébure : En effet, pendant des années, la résilience de la supply-chain a été bâtie sur des modèles de prévision, avec des volumes importants de commande en ligne attendus à des moments clés comme la période des fêtes ou le Black Friday. La crise sanitaire a fait voler en éclats ces modèles, les marques et distributeurs ont fait face à des pics d’activité inattendus. Les modèles de prévisions d’organisation des transports ont aussi volé en éclats. Il est nécessaire d’être sur un modèle plus agile, d’optimisation de tournées sur un instant T et non plus sur des modèles statiques de livraisons prédéfinis par jours de la semaine. Qui peut maintenant définir quelle est la nouvelle norme ? Si ce n’est d’être capable de réagir de façon immédiate…
Est-ce que certains secteurs étaient mieux préparés que d’autres ?
S.L. : Je ne pense pas qu’il y ait de véritable différence sectorielle, mais plutôt des distinctions entre différentes marques et enseignes d’un vertical donné. L’alimentaire a été le grand gagnant de cette crise. C’était un secteur déjà bien avancé en termes de réflexions sur les problématiques du coût de traitement des commandes et de nombreuses enseignes avaient déjà entrepris la multiplication des surfaces de proximité. Finalement, les sociétés les moins impactées sont celles capables de flexibilité et d’agilité pour satisfaire les demandes clients…
Quels sont les éléments clés, en 2021, d’une supply-chain flexible et agile ?
S.L. : Tout d’abord l’accès à l’innovation le plus rapidement possible est la clé pour survivre. On a beaucoup parlé de dette technologique ces dernières années, et la crise sanitaire a accentué l’écart entre différents distributeurs. Ceux qui ont le mieux résisté, sont ceux qui ont su adapter rapidement leurs SI pour mettre en place de nouveaux process, comme le traitement de commande en magasin quand les entrepôts sont fermés, par simples paramétrages en quelques jours. L’autre élément clé, que la crise a fait ressortir, est le rôle crucial de l’humain, et des experts métiers dans la supply-chain. La fonction d’ordonnancement au sein d’un entrepôt est devenue très critique et nécessite des outils monitorés en temps réel pour trouver les meilleurs compromis entre la disponibilité des ressources humaines et matérielles.
Est-ce que nous nous dirigeons vers des relocalisations de la supply-chain ?
S.L. : Si on parle de proximité, alors oui c’est essentiel. Il n’est trop risqué aujourd’hui d’avoir un seul point de traitement de commandes, même s’il est très optimisé et très efficace. Nous l’avons constaté pendant la crise, un centre mondial fermé pour quelques semaines peut avoir des impacts dramatiques sur le niveau de service, surtout quand il sert des régions du monde déconfinées où les magasins sont ouverts. On voit d’ailleurs chez Manhattan Associates une accélération sur les projets de modèles alternatifs de traitement de commandes e-commerce, on parle de plus en plus de micro-fulfillment, de dark stores, etc.
Un mot pour finir ?
S.L. : On constate que cette crise a redonné des lettres de noblesses à la supply-chain. Elle n’est plus considérée comme un centre de coûts mais comme un centre névralgique de survie. Dans les comités de direction, elle est maintenant vue comme un élément stratégique et différenciant pour satisfaire les clients.